Reforme orthographique en France : Que faire en Haïti ?
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c’est bon pour nous. Lorsque le président Martelly choisi en 2013 le
français plutôt que le créole pour être au côté de l’anglais comme langue
officielle du CARICOM certains penseurs locaux eurent à postuler que cette
langue, le français, nous hantera toute notre existence. Mais pourtant le président
savait qu’il avait choisi intelligemment. Et nous qui l’avions jugé, nous oublions que nous choisissons
assez souvent le français plutôt que notre langue maternelle pour nos
« bagay » dits importants et
nos « bagay » dits de classe. Aucun doute donc que le président avait fait
le choix du peuple, le choix qu’il voyait
faire, des millions de gens tous les jours; sur les murs, dans les médias,
les églises, les écoles, dans les bureaux de l’état etc. comment et pourquoi donc reprocher
M. Martelly? Puisque nous sommes grosso modo amateurs du français. Même
si souvent nous en souffrons, et que nos
fils et nos filles en souffrent tous les jours et que la situation de nos écoliers s’aggrave de jours en jours.
Aujourd’hui,
depuis le début du mois de septembre, le français (de France) change de peau,
la réforme de 1990 de l’Académie française est enfin en vigueur. Cette réforme
est venue avec la modification de 2400 mots ce qui représente environ 4% du
lexique français. L’accent circonflexe de certains mots n’est plus obligatoire,
le trait d’union non plus n’est pas obligatoire dans certains mots, n’en parlons pas du
« ph » acolyte du « f » qui peut être désormais remplacé par
ce dernier. Il y aura désormais en France, des maitresses (maîtresses) dans les
écoles, des fars (phares), et des Chauvesouris (Chauve-souris). Il faut signaler que l’orthographe révisée
est depuis 2008 acceptée, mais d’une manière plus discrète, dans les programmes
scolaire en France; les manuels de chez Hatier avaient déjà, bien avant 2016
intégrée la nouvelle orthographe. Laquelle orthographe a été mise en place
pour pouvoir suivre l’évolution de la
langue; selon l’Académie française, ces rectifications devront rendre plus sûr l’usage de l’orthographe et
faciliter l’apprentissage de la langue française par les élèves. Toutefois
n’allons pas croire que l’ancienne version de l’orthographe française va disparaître, celle-ci est toujours de mise et donc ce ne sera pas un problème pour
l’écolier qui veut écrire souffler au lieu de « soufler ». Et aucun professeur n’est obligé d’enseigner
la nouvelle orthographe qui n’a pas le statut d’obligatoire.
Mais que dire pour nous autres Haïtiens,
nous qui sommes francophone dès notre naissance (nos actes de naissance le
prouvent) ? Dans une conférence que le professeur Govain Renauld donna à la
bibliothèque Monique-Corriveau et au pavillon Charles-de-Koninck de
l’Université Laval, à Québec, celui-ci présenta Haïti comme le plus grand État
francophone en Amérique. En tant que
plus grand état francophone du continent n’est-on pas directement concerné par
cette réforme? Déjà parce que le
français est notre langue d’enseignement
mais aussi parce que tous nos
livres d’orthographe et de grammaire française ont été bâtis sur les modèles de ceux de la
métropole; certains sont même édités en France, comme le Bled que j’ai moi-même
porté en cm2. Qu’allons-nous donc faire?
Adopter l’orthographe révisée, ou du moins ce sera, chez nous, une faute
d’orthographe d’écrire ognon sans i, maîtresse sans « ^ », weekend
sans «- »? Comme c’est le cas, aujourd’hui même dans nos écoles. Je n’ai pas entendu le ministre de
l’éducation nationale se pencher sur la question, les linguistes de chez nous non
plus ne nous en pas encore sortis leurs réflexions sur la question, nos
professeurs de français vont bientôt être pris sous un étau quand ils iront acheter à la librairie la Pléiade le dernier cahier
d’orthographe française de chez Belin et se demanderont s’il faut l’enseigner ou pas ou si il
va continuer à faire la guerre à coups de brosses avec ses élèves, pour un trait
d’union ou un accent circonflexe souvent vestige d’un « s » oublié au
fil des ans ?
Je sais
qu’on va nous sortir tantôt que cette simplification pourrait être le Messie à
venir, ce n’est peut-être pas totalement faux mais avant de prendre son air de
sauveur cette simplification va foutre le bordel dans la tête de nos écoliers. Car
je ne vois pas nos élèves qui écrivent mieux le créole parce que celui-ci a un
système orthographique plus simple que le français; plus simple en ce sens
qu’elle est purement phonologique i.e. toutes les lettres se prononcent toujours
et chacune des lettres correspondent à un seul son donné à la différence
du Français qui a une orthographe plutôt historique et étymologique. Je vois
plutôt des gens confus qui n’écrivent ni le français ni le créole même après 14
années passées sur un banc qui se font un plaisir d’écrire « Geran
lakou » pour Jeran lakou » ou comme,
je l’ai vu tout récemment sous une affiche électorale « la
diferans » pour la différence ou « diferans lan ». Donc Sommes-nous prêts à les confondre un peu plus avec une
troisième forme orthographique? Bien sûr elle est plus simple, mais quand on
sait comment on enseigne l’orthographe à nos enfants on sait aussi que cette
simplicité même deviendra ce joug que le petit écolier devra porter au quotidien
et ça il va falloir de toute façon mettre un accent dessus.
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