Vous qui êtes linguiste ! (Marina Yaguello)
Extrait issu du livre « Catalogue des idées reçues sur la langue *»
Dites, vous
qui êtes linguiste, qu'est-ce que ça veut dire, « apophtegme» ? Et des
anacoluthes, c'est quoi? Vous qui êtes
linguiste, qu'est-ce qu'il faut dire : « Elle a l'air idiot », ou « Elle a
l'air idiote» ? Les élèves ne savent plus écrire le français ! Vous qui êtes linguiste, qu'est-ce qu'on peut
faire? Vous qui êtes linguiste, d'où ça vient, « divan »? C'est un mot turc ou
persan ?
Désolée !
Confrontée à un mot inconnu, je fais comme vous, j'ouvre mon dictionnaire. Et,
si vous avez besoin de conseils sur le bon usage, le Grevisse est là pour ça. Contrairement à une
illusion trop répandue dans le public, un linguiste n'est pas forcément la
personne la mieux placée pour vous expliquer la règle de l'accord des
participes. Un linguiste n'est pas un grammairien prescriptif* ni un puriste*,
arbitre du bon usage. Jamais il ne manifeste contre le changement* linguistique
et la croisade contre le franglais* n'est pas son affaire. Un linguiste ne s'occupe
pas de la langue telle qu'elle devrait être, mais de la langue telle qu'elle
est, dans la diversité de ses formes et dans son usage vivant chez tel ou tel
groupe de locuteurs. Bien que souvent sollicité, il n'a pas à prendre parti
dans les querelles idéo logiques, socioculturelles, dont la langue est
l'enjeu. Il peut lui arriver, certes, de s'exprimer à titre personnel sur le
destin de sa langue maternelle ou de participer à une démarche d'aménagement
concerté de la langue dans le cadre de ce que l'on nomme aujourd'hui les politiques linguistiques, mais il sort dans ces deux cas de la sphère
de la science du langage proprement dite.
Un
linguiste n'est pas non plus quelqu'un qui connaît l'origine de tous les mots.
Il ne s'intéresse pas nécessairement à l'histoire de la langue. Le savoir étymologique,
si prisé dans notre société, comme en, témoignent les rubriques spécialisées
dans la presse, n'est qu'une fraction du champ de l'étude de la langue. On peut
très bien aborder un système de langue à un moment donné de son histoire sans
se préoccuper le moins du monde des états antérieurs de ce même système. C'est
le grand linguiste genevois Ferdinand de Saussure qui a imposé au début de ce
siècle la distinction fondamentale entre
synchronie (l'étude de la langue
à un moment donné) et diachronie (l'histoire de la langue)…
C'est convaincant cet extrait. J'espere que l'auteure a fait de son mieux pour interpeler les linguistes dans leurs principales missions.
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