La métaphorisation de la violence sexuelle : KRAZE VIT DO

Aucune autre figure n'a été autant vilipendée que la métaphore. Pour beaucoup, la métaphore est une illusion, un mensonge, une fausseté. Sur le banc des accusés, la métaphore essuie des moqueries.

Pourtant, elle ne plaidera nullement coupable puisque l'on sait que la métaphore est une " tromperie vraie". Elle est la traduction des conceptions profondément enfouies, des comportements, et pour le dire élégamment, la métaphore remet sous les yeux nos habitus. C'est le cas de la conception des Haïtiens sur le sexe.
Illustrons cette idée par une expression- type du langage bredjenn: kraze vit do. Cette expression confond l'anus de la femme au vitre d'une voiture. Elle est employée pour signifier la sodomie.
Cette expression véhicule une dose surélevée de violence . Le locuteur qui emploie l'expression transmet du même coup l'idée de la violence avec laquelle l'acte est réalisé. Cette métaphore mécanique servant à exprimer la violence sciemment mobilisée lors de l'acte sodomique n'est pas orpheline. Dans ledit langage, la métaphore végétale " nan manyòk li" sert à transmettre la même idée de violence. On se rappelle la métaphore chère à l'opposition politique" rache manyòk".
En considérant l'anus comme un " manyòk", le locuteur fait savoir son état d'esprit. Il souhaite faire souffrir son partenaire.
Il serait un tantinet illusoire de croire que cette violence se trouve que chez les bredjennophones.
Selon Lakoff, la métaphore sert à structurer nos pensées. Elle part d'un domaine connu vers un autre inconnu. Ainsi, en créole haïtien, il y a tout un banc de métaphores pour l'expression de notre façon de concevoir le sexe, et indirectement, la femme.
Nous citerons quelques expressions métaphoriques: " M sot touye l", " M sot fini avè l", " se pa sa m bliye m pa fè l", " M pral kraze manzèl", " tout fanm pote pilon, gason pote manch pilon", " gade yon zouti misye genyen", " sa se yon anakonnda", etc.
Ces métaphores révèlent le rapport de l' Haïtien avec le sexe. L'homme haïtien considère son partenaire sexuel comme une ennemie à abattre et l'acte sexuel comme un combat de boxe, une guerre sans principes.
Faut-il condamner la métaphore ? J'estime que la métaphore est tout à la fois la mort et la résurrection du langage. Elle met sur la place publique nos idéologie et intention cachées.
Extrait de l'émission : Lang pa gen ZO
Présentée par : Verly SYLVESTRE, linguiste et juriste

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