Pourquoi les notes posent vraiment problèmes.



Oui la notation pose problèmes ! Mais pas forcément ceux qu’on met le plus en avant. A en croire les journalistes, notre ministre et même quelques spécialistes, le principal problème posé par la note serait qu’elle suscite le découragement chez les élèves, voire qu’elle serait forcément malveillante.



D’une part, on peut très bien humilier un élève avec les points Lomer si on veut humilier. (mai on sait tous que ça n’existe pas un prof qui humilie ses élèves).
D’autre part, avant de les abandonner, nous avons utilisé les notes. Difficile d’affirmer aujourd’hui que nous n’étions pas  bienveillants. Il nous suffisait d’atténuer le ressenti que peuvent avoir les élèves devant un note trop basse (ou trop haute !), avec plus ou moins de succès.
Les vrais problèmes sont autres.
– La note induit le classement, la compétition, l’élitisme
Qu’on le veuille ou non, au final, mettre une note ou donner un moyenne permet de situer les élèves les uns par rapport aux autres, quand il convient de les situer par rapport à une situation de départ ou à un objectif d’arrivée.
Observons les élèves quand on rend les copies.   Que font-ils en premier lieu : lire les commentaires ? repérer leurs réussites ? leurs échecs ? leurs progrès ? Non « t’as eu combien toi ? et Kevin ? Yes, je l’ai battu ! »  » M’sieur c’est qui qui a la meilleure note ? »
Ecoutons les parents (ça s’applique à nous même les parents/profs) « J’ai eu un 14 aujourd’hui Maman ! »  » C’était quoi la meilleure note ? et la plus basse ? »
Observons les bulletins générés par les applications « offertes » par l’administration : moyenne la plus haute, la plus basse …
Les enseignants doivent-ils nécessairement répondre à cette demande de compétition ? Les rares collègues qui, après avoir testé une évaluation différente et qui sont revenus aux notes, le pensent puisque c’est la raison qu’ils invoquent : pouvoir classer les élèves.
Mais quel intérêt pour les apprentissages ?
La notation chiffrée est donc avant tout au service de l’élitisme. Rappelons que c’est pour cette raison qu’elles ont été inventées par les Jésuites. Aussi doit-on continuer à la pratiquer dès lors qu’on souhaite une véritable démocratisation de l’enseignement ?
– La note induit les moyennes et donc la compensation.
On lit souvent que le problème c’est la moyenne, pas les notes. Mais à partir du moment où l’on communique par notes, le réflexe est de passer aux moyennes, même quand on a aboli les moyennes générales. Certes, cela procure un excellente occasion aux élèves de réviser et appliquer leur mode de calcul. Car on sait tous que cette moyenne générale est calculée par les élèves et les familles. « 8 sur 20 en histoire-géo, pas grave grâce au 14 en maths ! »
Enfin, si on critique – à juste titre les moyennes générales- on semble être très attaché par contre aux moyennes disciplinaires. Pourtant, elles relèvent de la même logique (ou absence de logique). Comment peut-on résumer en une seule moyenne des notes de dictée, de rédaction, d’exercice de grammaire ? Là aussi, on permet la compensation (et donc des exigences au rabais)
– La note se satisfait d’exigences minimales
« Kevin : 10,5. Tu as la moyenne » Et Sconet Notes ne l’inscrira pas en rouge cette fois !
Que fait-on quand on a fini un paquet de copies ? On compte combien il y a de notes au-dessus de la moyenne !
On reproche souvent à l’évaluation par compétence d’être binaire « acquis / non acquis ». Il est vrai que « au-dessus de la moyenne / en-dessous de la moyenne » c’est très différent !
Surtout cette barre fatidique du 10 sur 20 à atteindre montre combien on se satisfait que les élèves ne maîtrisent au final que la moitié des objectifs d’apprentissage fixés.
– La note renseigne très mal les élèves et les parents
On entend souvent que la note est plus accessible aux parents. A défaut d’être simple, elle est surtout simpliste.
Il est rare qu’un devoir ne porte que sur une seule capacité. Aussi, le résumer par une note (fut-elle accompagnée de commentaires) ne permet pas à l’élève de savoir ce qu’il a réussi ou non. Kevin ne retiendra que le 12 sur 20.
Pire, la note ne permet pas de connaître les progrès ou très mal.
Prenons deux évaluations consécutives que j’ai données cette année en classe de Quatrième. La première portait sur la maîtrise du vocabulaire, la lecture de carte et la capacité à produire un récit . La seconde s’attachait à évaluer la maîtrise du vocabulaire (mais pas le même),  la lecture de textes et de graphiques et  la réalisation d’une carte. Kevin aurait obtenu 8 sur 20 au premier, 13 au second. Il en conclura qu’il a fait des progrès !

– La note ne permet pas au professeur de connaître finement ses élèves.
Dresser le bilan pour un élève avec pour seul outil un relevé de notes est une gageure. Que maîtrise-t-il dans ma matière ?  Quels progrès a-t-il réalisés ? Quels objectifs lui fixer ?
Comment constituer des groupes de besoin pour travailler en ateliers de progrès à partir des seules notes ? Comment constituer des groupes d’élèves complémentaires dans lesquels chacun pourra apporter aux autres pour une séance d’enseignement mutuel ou pour un groupe de production ?

– La note parasite les apprentissages.
Elle met l’apprentissage au service de l’évaluation quand c’est l’évaluation qui devrait être au service de l’apprentissage.
Kevin « travaille » pour avoir une bonne note, pour réussir l’évaluation. Et quand les efforts entrepris ne se traduisent pas par un bonne note, il les stoppe.
Du reste, tous les ans à la même période,  on entend les plaintes quant à la démobilisation des élèves après l' »arrêt des notes » toujours trop tôt. Comme si on ne pouvait pas apprendre sans être sanctionné par une évaluation.
La logique devrait être inverse : l’évaluation devrait permettre d’accompagner les apprentissages.
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On le voit, la note pose suffisamment de problèmes pour que ceux qui les abandonnent ne soient pas considérés comme des apprentis sorciers ( ils s’appuient sur des études réelles et bien connues) qui veulent casser le thermomètre (ils souhaitent au contraire « mesurer » plus finement).
Vouloir améliorer le système d’évaluation sans toucher aux notes, comme on l’entend parfois (il suffirait de les compléter ou de supprimer les seules moyennes) ou comme nous laisse craindre la volonté du ministre de trouver un consensus préalable (consensus qui conduit toujours à l’immobilisme dans l’Education Nationale) serait une erreur.
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