L’Afrique, du berceau de l’humanité au futur de la consommation

Si l’Afrique a longtemps été vue comme une terre nourricière et une source abondante de richesses souterraines, cet écosystème encore relativement figé tend à évoluer, et le temps de la consommation arrive. Les géants du secteur ne s’y trompent d’ailleurs pas. Le 13 juin dernier, ils organisaient leur grand-messe annuelle, le Global Summit du Consumer Goods Forum en Afrique du Sud, au Cap. Une première sur le continent africain!
Mais ils n’ont pas attendu cet événement pour s’intéresser à la région. Avec l’Europe, qui peine à se relever, la Chine, qui toussote, et l’Amérique du Sud, prise dans la tourmente, l’Afrique est devenue un relais de croissance majeur pour les acteurs de la grande consommation. Danone a d’ailleurs récemment nommé Son directeur financier groupe président
De la zone Afrique, tandis que L’Oréal a transféré son centre de recherche sur les peaux et cheveux noirs, des États-Unis vers l’Afrique du Sud. Carrefour a, lui, ouvert son premier hypermarché en Afrique subsaharienne à Abidjan, l’année dernière.
Alors pourquoi cet engouement soudain? Plusieurs raisons à cela. D’abord, celle de la croissance. L’Afrique est le continent qui connaît la croissance la plus rapide dans le monde. Et malgré le ralentissement dû à la chute des prix du pétrole et des matières premières, six pays africains apparaissent dans le Top 20 global des économies à forte croissance en 2015, dont l’Éthiopie, 5 e Avec 8,7%decroissance! La natalité, ensuite : il naît plus de Bébés au Nigeria chaque année que dans Toute l’Europe de l’Ouest. L’urbanisation est également un facteur à prendre en compte, car l’Afrique compte plus de 50 villes dépassant le million d’habitants.
Enfin, il faut noter la montée progressive des classes moyennes: 35 millions de ses habitants gagnent plus de 3.000 dollars par an. Ce «mix» entraîne le développement d’une masse critique et concentrée de consommateurs, qui a besoin de produits au sein de ses villes, et dont le pouvoir d’achat non basique s’accroît… un cocktail gagnant pour les géants de la grande consommation.
Mais attention ! L’Afrique n’a jamais été – et ne sera jamais – un continent facile à servir. La région demeure très hétérogène en termes de culture, langue, religion, niveau de développement et habitudes de consommation. Il n’est également pas acquis que l’évolution prenne le même chemin qu’en Occident, et notamment celle de la distribution. Cela sans compter les grandes disparités dans les infrastructures de transport, qui entraînent des difficultés d’approvisionnement, que ce soit en magasin ou dans le commerce en ligne. L’essor du mobile près d’un abonnement par habitant par lequel transitent déjà une grande partie des paiements et du commerce, laisse présager un passage du commerce traditionnel au commerce online mobile sans nécessairement passer par la case super-hypermarchés. C’est d’ailleurs une évolution que l’on observe dans d’autres régions, comme les zones rurales en Chine ou en Inde.
Alors, l’Afrique nouvelle terre nourricière de la grande consommation? Oui, mais peut-être pas pour tout le monde. Malgré le développement d’une «consumingclass», l’Afrique reste un continent avec une part très importante de gens près du seuil de pauvreté ou en dessous, ce qui implique une sensibilité des prix particulièrement forte. Et là où archaïsme et modernité se mêlent, l’adaptation requiert un véritable doigté pour trouver sa place… L’an dernier, justement, certains géants du secteur se sont vus contraints d’y réduire leurs effectifs.
Emmanuel Hembert
Les Échos Vendredi 2, samedi 3 septembre 2016
(Numéro 22268)

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